Rêve entre les primevères

Cet article participe au rendez-vous mensuel « Mots éparpillés » de Margarida Llabres et Florence Gindre, projet inspiré par « Mots sauvages » de Cécile Benoist. 


15 mars 2016, d’après une photo de Sofie




Je ne le vois jamais travailler mais, à une date qui m’échappe, sans doute le dernier lundi de janvier, dès ce jour-là, il vient régulièrement. Il se faufile avec ses outils, m’a-t-on dit, et apprête comme pour une fête un mince morceau de terre coincé entre deux cours d’immeubles. Il retourne et bine et sarcle. Il ne touche pas aux herbes folles qui poussent en désordre le long de la grille, aux arbres que l’absence de soins et de direction écartèle. Il n’a de souci que pour une modeste parcelle que j’aperçois de ma fenêtre. En plein hiver, chaque année c’est pareil. Il casse les mottes, chasse les rampantes, trace un rectangle et sème. 

Quel homme est-il et à quoi lui sert tant d’application?

Il fait surgir un humble jardin de cette plate-bande noire et triste comme une tombe abandonnée. Un jardin brouillon et minuscule qu’il doit souhaiter voir s’épanouir au printemps. Et il y réussit. Des dizaines de primevères fleurissent et égayent de leurs couleurs éclatantes et acidulées la grisaille urbaine qui nous piège à chaque réveil. Il le fait, m’a-t-on dit, en souvenir.


Ma tasse à la main, encore assoupie, j’ai imaginé entre les floraisons éphémères la silhouette d’une femme des années cinquante et l’idée brutale d’une tragédie m’est venue à l’esprit.

Commentaires

  1. Un beau texte. Toi aussi, le parterre t'a inspirée, mais de manière plus romantique.

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    1. Florence, bon voyage à toi. Vivement ton retour avec toujours plus d'idées et de punch.

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  2. C'est beau ! Romantique et bucolique !

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    1. Merci beaucoup Margarida. Nous nous retrouvons donc mi juin. Beau travail pour toi également.

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