Campagne perdue, je te pleure

Bipolaire, cyclothymique, border line… Elles me collent à la peau ces étiquettes de maladies nouvelles qui s’inventent à la pelle. Mais quand le diagnostic se déguise, « autolyse » vaut bien déprime et folie. « Ton esprit bat la campagne », répète, agacé, mon compagnon actuel. Il ne croit pas si bien dire ! La campagne… Je hais le béton, les tags, les papiers gras, les cigarettes oubliées, les incivilités. Je hais les portes closes, les grilles qui claquent, la beauté soudoyée, la grâce emmurée. Je hais les odeurs du RER, la sueur, la crasse, les gaz d’échappement, les menaces de grippe, d’attentat, d’asphyxie. Je pleure. Je pleure ma campagne. Les verts olivâtres de ses plaines fertiles, les rouges incarnat de ses coquelicots, les glycines s’enroulant en coin dans l’ombre des vieux puits. Je pleure les murs disparus de noble pierre calcaire, les escaliers polis par le temps s’enfuyant dans les granges, la lumière dorée jouant ...